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Ouragans, incendies de forêt et crise des opioïdes; comment un résident de l’EMNO a remporté un prix national de responsabilité sociale

Le Dr Lloyd Douglas était engagé dans la santé publique avant même d’en avoir conscience.

« À la Jamaïque, quand j’avais une vingtaine d’années, ma communauté rurale était menacée par des ouragans, et j’étais le gars qui courait partout pour mettre les gens en sécurité ».

 

Ce qui a commencé par du bénévolat est devenu une véritable expérience de santé publique quand le Dr Douglas a participé la planification des urgences et à l’intervention pendant la saison des ouragans sur son île. Cette expérience l’a conduit à devenir médecin.

 

« J’ai toujours eu cette passion et j’ai toujours voulu apporter de l’aide. »

 

Passons maintenant à avril 2019 où le Dr Douglas a été le seul résident en médecine au Canada à recevoir le tout premier Prix Dr Ian Bowman pour le leadership en matière de responsabilité sociale, présenté au nom du Conseil médical du Canada, un honneur qu’il a gagné au fil de son parcours.

 

Le Dr Douglas, qui a effectué ses études de médecine à la Jamaïque, a immigré à Ottawa avec sa femme et son jeune fils en 2010; sa fille est née plus tard cette année-là à Ottawa. Le plan était d’effectuer sa résidence en médecine au Canada. Il dit qu’il avait presque renoncé à essayer de s’inscrire à un programme jusqu’à ce qu’il déménage à Sioux Lookout pour faire du bénévolat et décide de présenter une demande d’admission à l’École de médecine du Nord de l’Ontario (EMNO) dans l’intention de servir les communautés autochtones dans le Nord.

 

« J’ai réalisé que je pouvais aider à combler les lacunes dans le Nord. Alors je suis venu à l’EMNO et dans le Nord avec l’intention claire de travailler avec les communautés des Premières nations. J’ai commencé ma résidence en santé publique et médecine préventive en 2014 et avec la permission de l’EMNO, j’ai demandé un transfert pour le dernier mois de mon stage de résidence afin d’aider les évacués, à titre d’agent de sécurité du centre des opérations d’urgence de l’Independent First Nations Alliance (IFNA) à Sioux Lookout.

 

Dans cet esprit, le Dr Douglas continue de travailler à Sioux Lookout. Lorsqu’il s’est joint à l’EMNO, il a expressément demandé de se rendre à Sioux Lookout pour terminer son stage en milieu rural. Cette ville se trouve à 398 kilomètres de route, au nord-ouest de Thunder Bay et est considérée comme une plaque tournante pour le grand nord.  Elle dessert jusqu’à 33 Premières Nations. Six ans plus tard, il y vit encore et a l’intention d’y rester : « La venue dans le Nord n’offrait aucune sécurité mais je serais venu même si c’était seulement pour faire du bénévolat ».

 

« Je vais là où on a besoin de moi. Il ne s’agit pas de moi, il s’agit de faire partie de la solution pour redonner du pouvoir aux communautés autochtones. Je ne joue qu’un rôle de soutien, explique-t-il métaphoriquement. Je tiens le micro pendant qu’elles parlent ».

 

Le Dr Douglas joue ce rôle de soutien depuis son enfance. Sa passion personnelle pour aider les gens est née lorsqu’il a vu son grand-père surmonter un grave problème de consommation d’alcool et appris que son père s’était remis d’une dépendance au jeu. Il pense que son bénévolat à l’Église adventiste du septième jour en Jamaïque lui a instillé sa passion pour la santé publique.

 

Cette expérience l’a amené à son travail d’aujourd’hui, à aider à faire face à la crise régionale des opioïdes. Il a été le premier médecin de la région à utiliser la naltrexone pour traiter les troubles graves liés à l’alcoolisme dans le cadre du programme Accès spécial aux médicaments et aux produits de santé de Santé Canada.

 

Dans deux collectivités autochtones éloignées accessibles par air seulement, il a établi des relations de travail avec les dirigeants communautaires. À leur demande, il a aidé à monter le dossier pour l’établissement d’un centre de traitement et à trouver des commandites d’organismes pour des ateliers sur le diabète. Il a également travaillé avec la direction et le personnel infirmier du Service de soutien au sevrage des patients externes du SLMHC afin de rétablir un service médical de lutte contre a toxicomanie afin de faciliter le traitement des troubles liés à l’usage de substances chez les clients des collectivités autochtones éloignées et à Sioux Lookout.

 

Il a établi des liens personnels avec la communauté. Il appelle affectueusement ses amis et ses voisins ses « frères et sœurs autochtones ». Il dit que sa foi offre aussi un lien unique avec la communauté : « Moi aussi, je crois au Créateur et à la puissance supérieure, et je ne crois pas que je suis ici par hasard. Je crois qu’il y a une raison pour laquelle j’ai atterri ici. »

 

Il encourage les autres, les étudiants en médecine, les résidents en médecine et les « autres cercles », à réfléchir à la façon dont ils peuvent eux aussi contribuer à un changement concret et utile.

 

« J’espère voir les gens sortir des sentiers battus et agit… Il faut établir des relations, décoloniser, redonner du pouvoir aux gens, se réconcilier… toutes ces choses sont importantes et pour que cela fonctionne, il faut que chaque résident vienne passer du temps dans les communautés et prenne le temps d’écouter les gens. Nous devons vraiment sortir de notre coquille, nous impliquer et nous éloigner de l’individualisme. Il faut penser aux autres. »

 

À propos du Prix Dr Ian Bowmer pour le leadership en responsabilité sociale

 

Ce prix national est décerné par le Conseil médical du Canada à un seul étudiant en médecine et à un seul résident au Canada qui ont fait preuve de leadership en matière de responsabilité sociale au sein des facultés de médecine du pays. L’accent est mis sur les leaders qui ont conçu de nouvelles approches et inspiré les équipes à répondre aux besoins d’une communauté ou d’une population en élaborant en consultation et en collaboration une approche et une vision pertinentes en partenariat avec les communautés.

 

Le Dr Douglas est un résident postdoctoral en cinquième année en médecine du Programme de santé publique et de médecine préventive (PSMP) qui démontre un engagement continu envers la responsabilité sociale et les populations insuffisamment desservies du Nord de l’Ontario. Plus précisément, il a contribué à améliorer l’accès des Autochtones aux soins à partir de sa base à Sioux Lookout, en Ontario.

 

 

Comment l’éducation et le travail ont amené une employée francophone de l’EMNO à renouer avec sa culture

La meilleure description de Debbie Popien est celle d’une personne toujours souriante et très attentionnée. Elle est agente francophone des dossiers des étudiants et des stages au choix à l’EMNO à la Lakehead University.

Elle parle anglais tellement facilement et clairement que vous ne devineriez jamais que sa première langue est le français. Elle est née à Timmins d’une mère originaire d’une petite ville du Québec et d’un père originaire d’une petite collectivité appelée Moonbeam dans la banlieue de Kapuskasing.

« Quand j’avais un an, nous avons déménagé à Thunder Bay en raison des affaires de mon père dans le secteur forestier, et j’ai parlé uniquement français jusqu’à environ 4 ans quand j’ai dû aller à l’école » dit-elle.

À cette époque, il n’y avait pas d’école francophone à Thunder Bay. Debbie se souvient de s’être fait une amie qui parlait uniquement italien. Ce n’est que des années plus tard qu’une école élémentaire entièrement francophone a ouvert à Thunder Bay, l’École catholique Franco-Supérieur, ainsi qu’une école secondaire, l’École secondaire catholique De La Vérendrye.

« Les choses étaient plus difficiles pour moi à cette époque. Aujourd’hui, il y a davantage de services accessibles en français. »

Pendant longtemps, elle n’a pas parlé français sauf quand elle rendait visite à sa famille à Thunder Bay. Ce n’est qu’après avoir eu sa fille et été encouragée à l’inscrire dans le système scolaire francophone à Thunder Bay qu’elle a renoué avec la communauté francophone.

« J’ai été éloignée de ma culture pendant de nombreuses années. Je n’avais pas vraiment d’influences francophones dans ma vie et cela me manquait. Les traditions me manquaient; c’est difficile d’expliquer la culture. »

Lorsque sa fille a dû commencer sa scolarité, elle s’est demandé si elle devait l’inscrire dans une école francophone. Ce sont des amis francophones d’un groupe de jeu qui l’on convaincue d’essayer. « Je me suis dit qu’elle n’avait d’expérience francophone nulle part ailleurs, et je voulais qu’elle ait la même expérience que moi. Elle ne parlait pas français quand je l’ai inscrite, mais à la fin de l’année, elle était bilingue. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à renouer avec ma culture. »

Debbie parle maintenant français tout le temps dans son travail à l’EMNO. Elle dit que les étudiants en médecine francophones apprécient de pouvoir communiquer avec une francophone.

« Vous savez, l’expérience en français occupe une grande place à l’EMNO, et le fait que nous ayons du personnel francophone qui peut comprendre les étudiants francophones importe beaucoup parce qu’ils sont beaucoup plus à l’aise quand ils se font servir dans leur langue préférée. Je suis en mesure d’assurer une offre active en français. »

Elle trouve personnellement gratifiant de travailler avec d’autres francophones.

« J’ai l’impression de me replonger dans la culture francophone, de la redécouvrir et de renouer avec elle. J’aime communiquer avec le personnel du Bureau des affaires francophones de l’EMNO. En plus, j’aide les étudiants francophones à se sentir rebranchés sur leur culture, ce qui les réconforte dans une certaine mesure. Et cela réduit un peu leur stress. »

Mme Popien dit qu’elle apprécie l’inclusion des francophones dans le cadre de la responsabilité sociale de l’EMNO; ce qui reflète la diversité de la région et des communautés francophones que l’EMNO sert.

« Encourager l’offre active et avoir des médecins francophones est un immense accomplissement. Selon ma propre expérience, lorsque ma mère ne se sentait pas bien et essayait d’expliquer ses symptômes au médecin, je me souviens de la difficulté qu’elle éprouvait. Elle ne pouvait pas s’exprimer dans sa langue. »

« Il est très important que les gens puissent parler à leurs médecins dans leur langue préférée. C’est alors que les barrières tombent et que les gens sont à l’aise. Et il y a une énorme communauté francophone ici; c’est tout simplement pertinent. »

L’art de traiter les patients en français

« Quand j’ai mal, j’ai mal en français. »

Il est difficile d’imaginer de recevoir des soins médicaux dans une langue étrangère.    Dre Crystal Boulianne, une ancienne de l’École de médecine du Nord de l’Ontario, qui espère établir sa pratique médicale après l’été, s’engage à éliminer les barrières linguistiques qui nuisent aux soins des francophones à Kapuskasing. Ses efforts sont si formidables, qu’elle vient de remporter le prix « résidente de médecine de famille 2019 pour son étude des communautés qui souffrent d’inégalités de santé », remis par le Collège de médecin de famille du Canada (CMFC) via la Fondation pour l’avancement de la médecine familiale.  Elle va recevoir le prix en novembre, lors du forum de médecine familiale 2019, à Vancouver.

Originaire de la région de Kapuskasing, Dre Boulianne a été élevée en anglais à la maison et a fréquenté l’école élémentaire et secondaire dans le programme d’immersion française.  Dès un jeune âge, elle reconnaissait l’importance du bilinguisme dans sa communauté.  En travaillant et en vivant dans la région, elle fut inspirée d’apprendre la langue française.

Pendant sa troisième année à l’institution, Dre Boulianne devait faire un stage de huit mois dans une communauté au nord de l’Ontario. Elle a choisi Hearst, une communauté majoritairement francophone, pour s’immerger dans la langue et la culture. Pendant son séjour dans cette petite ville, Dre Boulianne a entrepris un projet de recherche sur les services de santé pour les citoyens ayant trait au système de renvois et de suivis; elle a remarqué un défi important.

Lorsqu’un patient francophone requiert des suivis et est dirigé auprès d’un plus grand centre médical comme Sudbury, Timmins ou Thunder Bay, il n’y a pas de garantie qu’il y aura des services en français.  « J’ai entendu des histoires d’horreur de personnes âgées, ayant été redirigées pour des soins dans des villes comme Sudbury, qui y arrivent par ambulance et ne reçoivent pas de services en français. Ils reviennent à Kapuskasing sans avoir compris les instructions qu’ils ont reçues. Les services qui sont disponibles sont-ils vraiment accessibles? » signale Dre Boulianne.

D’après le Comissariat aux services en français, (qui fait maintenant partie du Bureau de l’Ombudsman de l’Ontario), l’offre active assure les services gouvernementaux offert en français. « Pour les utilisateurs du système de santé, l’offre active devient synonyme de sécurité. »

Dre Boulianne est passionnée d’offrir des services médicaux équitables à tous ses patients.  Son but ultime est de faire changer la façon dont les médecins de petites communautés francophones transfèrent les patients francophones aux plus grand centres médicaux.  Elle veut que les patients aient le choix d’obtenir des services d’un spécialiste francophone.

« On trouve ça drôle, mon mari et moi, et même mes superviseurs, parce que je suis la petite anglophone et c’est moi qui se bat pour assurer les droits des francophones » exclame Dre Boulianne.

Selon Dre Boulianne, il semble que les nuances de la médecine pour les francophones ne sont pas différentes de celles des anglophones.  Les problèmes et les inquiétudes sont souvent identiques.  Ce qui diffère c’est la planification des soins.  En renvoyant des patients francophones vers des professionnels de la santé francophone, la barrière linguistique est éliminée.

Il est difficile d’élaborer une solution concrète pour assurer que tous les citoyens aient accès à des soins de santé qu’ils méritent.  La première étape a trait à la sensibilisation des médecins à l’offre active des soins de santé équitables et sécuritaires dans la langue de préférence du patient. C’est aussi une question de renseigner les patients sur leurs droits de recevoir les soins de santé en français, s’ils le veulent.  C’est une tâche parfois difficile, mais il est rassurant de pouvoir compter sur des professionnels de la santé comme Dre Boulianne pour éclairer la piste et mener la cause à bien.

NOSM University