Médecine d’urgence rurale : Leçon tirée d’un collision frontale mortelle à Wawa
Posted on October 9, 2019
« Il faisait nuit noire sur la route. Aucun éclairage, sauf celui du véhicule en feu et les phares des voitures de police. Nous avons utilisé les phares de notre ambulance pour éclairer l’endroit, raconte Derek Blanchet, ambulancier spécialiste des soins primaires. Lui et son collègue, Zoltan Pinter, ont été les premiers intervenants à arriver sur le lieu de l’accident le dimanche 19 août 2018.
Ils intervenaient pour une collision frontale de deux véhicules sur la route 17, à 20 minutes au sud de Wawa, à 22 h 30. Le premier véhicule avait frappé un orignal puis le véhicule venant dans l’autre sens. Le résultat a été un incident avec atteintes massives (IAM) impliquant neuf personnes : deux enfants parmi les sept gravement blessés et deux morts.
« Nous avions un total de neuf patients, dont deux décédés sur place. Le sang de l’original rendait la route très glissante. La police avait extrait sept personnes des véhicules et les avait éloignés du véhicule en feu. En raison de l’épais brouillard, Ornge ne pouvait pas envoyer d’hélicoptère sur les lieux. »
De l’aide supplémentaire est arrivée une heure plus tard. L’équipe d’intervention d’urgence a pu orienter un patient à Sault Ste. Marie, un autre à London et le reste à l’Hôpital Lady Dunn à Wawa.
« Presque tous les fournisseurs de soins de santé qui étaient en ville ce soir-là sont venus apporter de l’assistance, et plusieurs ont ensuite été travailler le lendemain, indique le Dr Anjali Oberai, professeur agrégé à l’EMNO et directeur de la section de médecine familiale, en parlant de la longue nuit consacrée à traiter une grande variété de blessures graves. Ces types d’événements peuvent être stressants lorsqu’on travaille dans un endroit isolé, mais il est aussi réconfortant de voir tout le monde se mobiliser et travailler si bien en équipe. »
L’accident est survenu trop loin de tout centre de traitement des traumatismes de niveau 1, ce qui a présenté plusieurs défis pour l’équipe de traitement d’urgence des traumatismes.
« Nous avions cinq patients gravement malades dans notre petite salle d’urgence rurale. Les défis auxquels nous étions confrontés étaient principalement dus à notre milieu rural. Nous avions épuisé nos réserves de produits sanguins et nos ressources locales. Il peut être difficile de transférer des patients vers des centres de soins adaptés, ajoute le Dr Oberai. Le temps semblait ralentir pendant que nous attendions les transferts. »
L’équipe a recouru au système de soins intensifs virtuels (SIV) qui leur a permis de consulter un spécialiste situé à un autre endroit.
« Sur une note très positive, nos avons eu accès au médecin et au personnel des SIV qui sont restés avec nous (en ligne) jusqu’à ce que le dernier patient ait été transféré plus de 12 heures plus tard. Ce fut extrêmement utile d’avoir ce soutien à Wawa. »
Selon M. Blanchet, ce cas est un exemple réaliste de ce qui se passe dans n’importe quelle petite ville du Nord : « C’est une bonne étude de cas d’incident à atteintes multiples dans un petite ville et de la façon de traiter un volume important. Il ne faut pas grand-chose pour surcharger un petit hôpital comme le nôtre. Il pourrait être justifié de réévaluer le stock de produits sanguins et la façon de gérer la charge de patients ».
Blanchet pense que c’est l’occasion d’examiner ce cas et d’autres, et peut-être même d’effectuer des recherches, quand il s’agit des lignes directrices du ministère : « Le ministère devrait peut-être envisager des révisions pour les environnements ruraux où les ambulanciers peuvent être sur un lieu d’incident pendant une période prolongée et avoir besoin de davantage de ressources ».
Il fait également remarquer la possibilité d’offrir davantage de formation et de fournitures, de veiller à ce qu’il y ait suffisamment de défibrillateurs, de bonbonnes d’air et de produits sanguins, d’offrir de la formation sur l’IV, de la formation annuelle sur les incidents à atteintes massives et la planification. De l’avis du Dr Oberai, il est certainement logique d’évaluer les produits sanguins disponibles et accessibles et les compétences en soins intensifs virtuels.
L’équipe multidisciplinaire a présenté ce cas d’incident à atteintes massives à la conférence sur les traumatismes pédiatriques à London au printemps. Elle était constituée du Dr Oberai, de la Dre Dannica Switzer, de Zoltan Pinter (services médicaux d’urgence) et de Sherri Egan (infirmière autorisée). « Une partie du message portait sur l’approche des soins en équipe » précise le Dr Oberai.
« Il a été très utile d’avoir une séance organisée de bilan après-coup. Le groupe de soins intensifs virtuels de Sudbury a pris les choses en main et incluait toutes les personnes de quatre hôpitaux qui sont entrées un jeu ce soir-là. On peut parfois oublier le fardeau émotionnel que des événements comme celui-ci peuvent avoir sur nos collègues » ajoute-t-il.
Soins intensifs virtuels (SIV)
Le 5 juillet 2019, Horizon Santé-Nord (HSN) a annoncé qu’au cours des cinq dernières années, l’équipe des SIV a été consultée pour 1 504 patients et a animé plus de 2 820 consultations virtuelles, ce qui a permis à plus de 620 patients de demeurer dans leur hôpital local.
Afin de fournir l’accès en permanence aux SIV dans le Nord de l’Ontario, une équipe de 37 médecins spécialistes des soins intensifs et de personnel infirmier formé spécialement, ainsi que 45 professionnels paramédicaux, y compris des inhalothérapeutes, des pharmaciens et des diététistes, sont disponibles à HSN pour des consultations jour et nuit. La vidéoconférence permet à l’équipe de communiquer avec d’autres unités de soins intensifs et services d’urgence de petits hôpitaux de la région.
Depuis mai 2014, de nouveaux partenariats de soins ont été établis entre HSN et 25 hôpitaux pour fournir aux patients de tout le Nord-Est l’accès à des services de médecins spécialistes des soins intensifs. L’intégration des sites côtiers de la Weeneebayko Area Health Authority est actuellement en cours avec la mise en œuvre des SIV à l’Hôpital d’Attawapiskat, l’Hôpital de Fort Albany, le poste de soins infirmiers de Kashechewan, et à l’automne, au Moosonee Health Centre.